Dans l’agglomération, on repousse les pauvres « plus loin »
Les Grenoblois-es connaissent bien le bidonville de l’avenue Esmonin, qui s’est constitué il y a plus d’un an et où vivent notamment des personnes expulsées d’autres bidonvilles, camps et squats de l’agglomération. Il est ainsi le symbole de la terrifiante inhumanité de la politique de la patate chaude, chaque commune s’étant jusqu’à maintenant appliquée à expulser, en espérant sans doute que les personnes à la rue iraient un peu plus loin, dans la commune voisine.
Cette « politique » a été celle de la plupart des maires des environs. Notre collectif a établi un palmarès de la honte dans laquelle la commune de la Tronche s’était surpassée en 2011 par les propos racistes de son maire UMP d’alors et l’attitude de la police qui avait pourchassé pendant des jours les familles qui essayaient de trouver un endroit où se poser.
A Saint-Martin-d’Hères, à Saint-Martin-le-Vinoux ou encore à Échirolles, les expulsions se sont multipliées, la plupart du temps sans relogement. Seules les communes de Grenoble et de Fontaine ont semblé vouloir trouver des moyens d’aider les personnes à la rue et expérimenter des embryons de solution : terrain toléré à Fontaine, action du CCAS de Grenoble et lancement d’une « MOUS » (hébergement et accompagnement social de familles) à la Métro.
Pour autant, les expulsions se poursuivent là aussi. La municipalité de Fontaine a engagé de multiples actions en justice pour expulser les occupant-e-s d’un bâtiment lui appartenant, situé rue Joliot Curie, sans avoir l’assurance qu’ils seront tous relogés. L’établissement public foncier local (EPFL), émanation de la Métro et présidé par Christine Garnier, élue de la majorité grenobloise qui se disait pourtant favorable à l’occupation de bâtiments vides, a lui aussi procédé à des expulsions. Et les protestations des associations et collectifs qui demandaient des réquisition sont restées sans effet.
A Grenoble, on matraque
La nouvelle équipe municipale de Grenoble avait envoyé des signes positifs en proposant une concertation avec la Préfecture, le Conseil général, la Métro et ses communes, même si cette proposition n’a jusqu’à aujourd’hui guère été suivie d’effets.
En juillet 2014, suite à une forte mobilisation militante, le maire de Grenoble s’était même opposé à la mise à la rue par l’État des personnes hébergées dans le centre d’hébergement de la rue Verlaine. Le CCAS s’était porté partie civile au procès intenté par la préfecture qui demandait l’expulsion des occupant-e-s, procès que cette dernière a perdu au tribunal administratif. Ces derniers mois, face au FN, à l’UMP et au PS qui s’insurgeaient contre le développement du bidonville Esmonin, Eric Piolle avait pris une position courageuse en conseil municipal et exprimait sa volonté de trouver une solution humaine, en lien avec l’État et les collectivités territoriales.
Las, aujourd’hui, sa décision est de faire expulser les habitant.e.s du bidonville avant même que cette solution n’ait été trouvée. Il justifie ce brutal revirement par les mêmes arguments que toutes les municipalités : délinquance, prostitution, insalubrité, tensions avec les riverains… tout l’habituel cortège de stigmatisation de la pauvreté.
Samedi 31 mai, une action symbolique a eu lieu, initiée par RESF, Hébergement-logement, Droit au logement et des habitant-e-s du quartier des Eaux-Claires pour soutenir des familles à la rue depuis longtemps, et dont les enfants fréquentaient les écoles Painlevé et La savane. Une cinquantaine de sympathisant-e-s, voisin-e-s et militant-e-s ont occupé le jardinet d’une maison au 51 rue des Eaux-Claires, appartenant au bailleur social Actis (dont Eric Piolle est président) et mis à disposition du CCAS de Grenoble (dont le maire est également président). Le vice-président du CCAS nous a indiqué que cette maison était destinée à devenir le siège de l’association Roms action, et qu’il allait demander l’expulsion. La police est en effet intervenue très brutalement à coups de matraque et de gaz lacrymogène sur des personnes pacifiques, avec une volonté évidente de violence et de provocation. Au jour d’aujourd’hui, les élus grenoblois n’ont toujours exprimé aucun regret pour les personnes blessées pendant cette intervention. (Lire l’article du collectif Hébergement-logement)
On ne lâche rien !
Cette réponse répressive à une action de protestation contre le mal-logement nous scandalise, mais ne nous décourage pas. Notre colère et notre détermination sont intactes. À l’approche de l’été propice aux expulsions, des actions militantes sont prévues, à commencer par le rassemblement de soutien aux habitant.e.s du bidonville de l’avenue Esmonin lundi 15 juin à 18h, devant le bidonville. Cette action est appelée par de nombreux collectifs, associations et partis (voir le tract ci-dessous).
D’autres initiatives sont prévues, comme la réquisition militante d’un bâtiment mercredi 17 juin (voir l’appel). Nous allons également demander des comptes au Conseil départemental qui se réunit le 18 juin. Enfin, le 24 juin à partir de 18h30, la CISEM organise un pique-nique solidaire au jardin de ville.
UN TOIT POUR TOUTES ET TOUS – PERSONNE A LA RUE
VENEZ SOUTENIR LES HABITANTS DU BIDONVILLE ESMONIN LUNDI PROCHAIN À 18 H
BIDONVILLE ESMONIN : PAS DE DESTRUCTION SANS GARANTIE DE RELOGEMENT POUR TOUS et TOUTES
Les collectifs et organisations associatives, syndicales et politiques, dont beaucoup agissent et luttent depuis des années pour le droit à un toit et un hébergement pour tous et toutes, familles comme isolés, ne souhaitent certes pas la pérennisation de ce taudis de la misère, indigne, gravement attentatoire aux droits fondamentaux à un toit, à la santé, à une scolarisation normale des enfants. Mais l’annonce d’un « démantèlement » nous interroge. Outre la connotation criminalisante de ce terme, nous sommes très inquiets : nous avons assisté à plusieurs « démantèlements » de camps au fil des années, opérés chaque fois avec une violence certaine et sans proposition de relogement pour tous/toutes, durable et adapté aux besoins des personnes et des familles. Nous demandons avec force que soit élaboré en amont, en concertation avec les habitants du camp, les acteurs et militants de terrain, un dispositif de relogement digne, adapté pour toutes les personnes installées actuellement dans ce bidonville. Nous avertissons solennellement les autorités concernées que nous serons très attentifs et vigilants sur ces conditions.
UN TOIT DIGNE, C’EST UN DROIT FONDAMENTAL et UNIVERSEL !
RASSEMBLEMENT LUNDI 15 JUIN 2015 18H
Devant le camp d’Esmonin Avenue Esmonin
A l’appel des organisations de l’Isère : CISEM (Coordination iséroise de solidarité avec les étrangers migrants, qui regroupe 15 organisations associatives, syndicales et politiques, dont l’Apardap, le CIIP, le CSRA, la LDH Grenoble, La Patate Chaude, RUSF, EELV, Ensemble Isère, le NPA, le PCF et le PCOF), Collectif Hébergement-logement, Lutte Ouvrière, PAG 38, PG, SNUIPP/FSU, Antigone