Lettre ouverte aux élu-e-s de Grenoble-Alpes Métropole

Grenoble, le 30 juin 2017

A l’attention :   De Christophe FERRARI, Président de Grenoble-Alpes Métropole

De Christine GARNIER, Vice-présidente de la Métro déléguée à l’habitat, au logement et à la politique foncière

De Françoise CLOTEAU, Vice-présidente de la Métro déléguée à l’hébergement

De Marie-José SALAT, Vice-présidente de la Métro déléguée à la lutte contre les discriminations

De l’ensemble des élu-e-s de Grenoble-Alpes Métropole

Lettre ouverte à la Métro_juin 2017

Mesdames, Messieurs,

« Cela fait maintenant plus de 25 ans que des hommes, des femmes et des enfants originaires d’Europe de l’Est, Roms pour la plupart, vivent aux marges de la société française dans des squats ou des bidonvilles1 »

1 – Une politique nationale systématique d’expulsions forcées, coûteuse et inutile depuis…25 ans !

Bien que cette situation scandaleuse de mal-logement ne soit pas nouvelle, la réponse des propriétaires (publics comme privés) reste sensiblement la même :

  1. dissuader les personnes de s’installer durablement en les privant des services publics minimums (eau courante, électricité, toilettes, ramassage des ordures), afin de générer l’insalubrité et justifier ainsi les expulsions ;
  2. l’expulsion des lieux de vie, rarement accompagnée de solutions pour les habitant-e-s, généralement accompagnée d’une répression sur le droit au séjour et d’une négation des droits fondamentaux des occupant-e-s 2.

Ce mode opératoire a un coût supporté par la collectivité et n’est d’aucune efficacité car, « [e]n précarisant leurs habitants, les expulsions contribuent […] à pérenniser l’existence des squats et bidonvilles, contre laquelle elles prétendent pourtant lutter. » Comment les pouvoirs publics peuvent-ils feindre d’ignorer un constat établi après plus de 25 ans de politiques coûteuses et inutiles d’expulsion des bidonvilles 3?

Le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad al Hussein, a ainsi dénoncé, le 11 septembre 2015, à Genève, l’existence d’« une politique nationale systématique d’expulsion de force des Roms » en France.

2 – Cette politique s’alimente de la stigmatisation des populations désignées comme roms ou migrantes et l’amplifie

Dans un courrier adressé au ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Nils Muižnieks, dénonce les évacuations forcées sans relogement et s’inquiète du «climat d’antitsiganisme qui existe de longue date en France et dans lequel ces opérations sont menées»4.

Elles s’inscrivent par ailleurs dans un climat général de désinhibition des paroles et actes racistes et discriminatoires envers les étrangers, favorisé par l’essaimage des idées d’extrême-droite dans les discours publics et médiatiques, dans les sphères de pouvoir et dans les institutions.

« Un constat s’impose : la prédominance des dispositions à la tolérance ou à l’intolérance, qui coexistent en chacun de nous, dépend du contexte et de la manière dont les élites politiques, médiatiques et sociales parlent de l’immigration et de la diversité. C’est moins l’événement en soi que la manière dont il est « cadré » par les élites politiques, sociales et médiatiques qui compte.

La responsabilité de celles-ci est donc particulièrement importante. 5»

Alors que de nombreux partis ont appelé à « faire barrage à l’extrême-droite » durant la campagne présidentielle, nous sommes consterné-e-s de voir que les discours tenus et les actes posés par la majorité des élu-e-s de l’agglomération confortent sans états d’âme la marginalisation de ces populations à travers les expulsions à répétition et les déplacements forcés de leurs habitant-e-s.

« Ce maintien dans la précarité amplifie aussi les préjugés, le racisme et les stigmatisations qui frappent plus généralement les Roms. 6»

Les manifestations de ce racisme les plus violentes se font jour au sein même du territoire de l’agglomération grenobloise, comme en témoigne par exemple la scène d’une violence extrême s’étant produite le 11 septembre 2015 à Saint-Martin-d’Hères, durant laquelle une famille rom se retrouve expulsée de la maison où elle a trouvé refuge, sous les cris de joie haineuse de la foule7.

Face à la crise du logement et à la misère dans laquelle une partie de la société est condamnée à vivre, les occupations de logements et de bâtiments vides sont une réponse d’urgence, bien que précaire. Les expulsions de ces lieux de vie ne font que renforcer le climat réactionnaire qui a gagné une partie de la population française et de ses dirigeant-e-s.

3 – Cette politique d’expulsions forcées n’est « satisfaisante » pour personne

Malgré cela, à l’échelle de l’agglomération, nous constatons que les expulsions de bidonvilles et de squats se poursuivent aveuglément8, notamment à la faveur de l’été, qui marque le départ en vacances de nombreux soutiens et le début d’une période médiatiquement moins suivie.

Grenoble (20 juillet 2016), rue des Alliés à Grenoble (13 septembre 2016), campement Valmy à Grenoble (décembre 2016 et 24 mai 2017), etc.

Cette politique, comme le rappelle le désaveu dont elle est l’objet à l’échelle de certaines institutions internationales (Conseil de l’Europe, ONU9, etc.), ne grandit pas ceux et celles qui la mettent en œuvre, provoque des dégâts humains considérables, retarde les processus d’insertion sociale et n’est satisfaisante pour personne :

  • ni pour les personnes, qui vivent dans l’inconfort et l’angoisse d’une expulsion, subissent le froid, les intempéries, la sous-alimentation et les pathologies qui en découlent, le manque d’hygiène qui empêche parfois les enfants d’aller à l’école, …et qui doivent repartir de zéro après le passage des bulldozers ;
  • ni, dans une bien moindre mesure (l’accès aux droits fondamentaux ne pouvant être mis en balance avec l’inconfort du bruit ou des aspects esthétiques), pour les voisin-e-s qui voient ré-émerger à côté de chez eux des formes d’habitat indigne disparues à la fin des années 1970 et, par leur proximité géographique, en partagent certains inconvénients (bruit lié à l’absence d’isolation phonique des grands lieux de vie par exemple). Rappelons que les inconvénients générés par la proximité d’un bidonville sont en partie créés et entretenus par les pouvoirs publics, lorsque ceux-ci refusent aux habitant-e-s l’accès aux fluides (eau et électricité) et ne mettent pas à disposition de ces derniè-r-e-s un dispositif de ramassage des déchets adaptés ;
  • ni pour les associations et les bénévoles qui doivent diligenter un accompagnement social dans de mauvaises conditions et sous la menace d’une expulsion ;
  • ni pour les élu-e-s qui doivent affronter aussi bien les réprimandes des voisin-e-s que celles des soutiens aux occupant-e-s ;
  • ni pour les citoyen-ne-s choqué-e-s par les propos racistes et xénophobes repris à leur propre compte par certain-e-s élu-e-s peu scrupuleux.

C’est pour cela qu’il est temps d’expérimenter une autre politique d’accueil, digne, humaine, respectueuse du droit national et des conventions internationales.

4 – État des lieux de la situation sur l’agglomération

Au jour d’aujourd’hui, les habitant-e-s de différents terrains et bâtiments étant soit des propriétés de l’EPFL, soit des parcelles concernées par les projets de l’EPFL – notamment Courtade et Gérard Philipe à Fontaine- sont dans l’incertitude de leur avenir en l’absence d’engagement du propriétaire sur la pérennité du lieu de vie et de perspectives de relogement assurées pour tou-te-s. Au moins 130 personnes sont concernées.

Sur le territoire de l’agglomération, d’autres sites sont expulsables ou risquent de l’être à la faveur de l’été. Si sur certains sites, les pouvoirs publics se sont engagés à ne pas procéder à une expulsion sans reloger les habitant-e-s (exemple de Neyrpic à Saint Martin d’Hères), ce n’est pas le cas de tous (aucun engagement clair n’a été pris concernant le site de Bouchayer-Viallet à Grenoble). Ces sites rassemblent au moins 70 personnes.

5 – Une errance « intercommunale »

S’il est besoin de rappeler en quoi la situation d’un bidonville situé sur une commune concerne en réalité l’ensemble des communes de l’agglomération, nous vous fournissons ici en exemple le parcours malheureusement « commun » d’un ménage arrivé en 2007 sur l’agglomération et habitant aujourd’hui en bidonville à Fontaine.

1er lieu habité : Squat - Commune de St Martin d’Hères / Expulsion par la commune
2ème lieu habité : Bidonville - Commune de St Martin le Vinoux
3ème lieu habité : Squat - Commune de St Martin le Vinoux / Expulsion par le Conseil Général
4ème lieu habité : Retour sur le bidonville - St Martin le Vinoux / Expulsion par la commune
5ème lieu habité : Hébergement en algéco – Fontaine / Fermeture et ré-hébergement
6ème lieu habité : Hébergement - St Martin d’Hères / Fermeture sans relogement
7ème lieu habité : Squat – Commune de Fontaine / Expulsion par la commune
8ème lieu habité : Squat – Commune de Fontaine / Expulsion par la commune 9ème lieu habité : Bidonville – Commune de Fontaine         / Incertitude sur l’avenir

Voilà le « parcours de logement » traversé par des parents et leurs enfants, devenus aujourd’hui eux-mêmes de jeunes adultes : une errance de squats en bidonvilles, ponctuée d’expulsions, à travers 3 communes de l’agglomération.

Cette dimension intercommunale ne saurait vous échapper : elle montre que la politique de logement et d’hébergement est un enjeu commun au territoire, et que l’absence de coordination intercommunale ou – même – la concurrence entre les territoires sur cette question, n’auront pour seul effet que la pérennisation de ces parcours délétères pour l’épanouissement des personnes.

6 – Menace des arrêtés d’expulsion : la discrimination dans la protection

Par ailleurs, il existe un risque d’expulsion y compris en l’absence d’arrêté d’expulsion exécutable. Le cas de Valmy témoigne en la matière que les choses peuvent aller très vite quand il s’agit d’expulser un bidonville. Dans cette situation, les attaques fascistes envers les migrant-e-s et personnes vues comme étrangères ont légitimé une procédure d’expulsion au lieu de responsabiliser les institutions dans leur rôle de protection de ces personnes, au même titre que la population générale dont elles ont la charge. On n’expulse pas un locataire de son logement parce qu’il s’y est fait agressé : pourquoi faut-il déplacer de force les habitant-e-s d’un bidonville lorsqu’ils y ont été victimes d’intimidations ? Les habitant-e-s des bidonvilles et des squats n’ont ainsi pas le même accès que tou-te-s au droit fondamental que constitue leur propre protection. Comble du cynisme, l’argument de la « sécurité » sert à bafouer leurs autres droits fondamentaux.

Nous sommes ainsi, à l’instar de la LDH et de Romeurope avec qui nous sommes en contact régulier, très inquiets sur la situation des personnes vivant en squat et en bidonville et outrés du manque de volonté politique pour travailler à un règlement digne et pérenne de ces situations de mal-logement10 via des propositions concrètes.

7 – Nous n’accepterons pas la remise à la rue de ces personnes : stabilisation des lieux de vie !

S’il n’y a aucun argument valable pour justifier la remise à la rue des personnes présentes dans les squats et bidonvilles de l’agglomération, les arguments en faveur de la stabilisation de ces lieux de vie dans l’attente d’un logement stable sont pléthores. Nous en développons trois.

En premier lieu, aucun projet immobilier à court terme n’est pour le moment prévu sur les sites pourtant menacés. Malgré cela, sur le bidonville de Bouchayer-Viallet par exemple, le spectre fantasmagorique d’un potentiel acheteur sert de prétexte pour argumenter en faveur de l’expulsion du site. Ainsi, le 9 février, la présidente de la SEM INNOVIA déclare qu’une vente est en passe d’être réalisée pour la parcelle concernée, qui doit par conséquent être expulsée pour permettre la dépollution des sols sur site durant l’été. Nous demandons alors un acte administratif11 attestant de la contractualisation avec cet acheteur : comment la Ville de Grenoble engagerait-elle les dépenses importantes liées à la dépollution en l’absence d’un tel acte ? Mais aucun acte administratif n’a été fourni à ce jour et aucune demande de permis de construire n’a été faite.

En second lieu, si l’on souhaite mener véritablement une politique sociale permettant aux personnes vivant dans les squats et les bidonvilles de s’en sortir, cela requiert à la fois du temps et des moyens. Or, les expulsions à répétition créent des ruptures à tous les niveaux : rupture dans la scolarité des enfants, rupture dans l’accompagnement social des familles, rupture des soins, ruptures avec le tissu de sociabilité et de soutien de ces familles. C’est le rocher de Sisyphe : tout est toujours à recommencer avec les habitant-e-s, les services et les associations, ce qui constitue un gaspillage considérable d’énergie humaine et d’argent public.

Ainsi, ordonner une nouvelle fois de telles expulsions signifierait mettre à mal les liens et les avancées réalisées grâce aux liens qui se sont créés entre les habitant-e-s des sites, différents collectifs et associations, ainsi que les services publics. A Fontaine, par exemple, les habitant-e-s des sites de Courtade et Gérard Philipe sont en lien régulier avec la paroisse, l’Êveché, un collectif d’habitant-e-s, des voisin-e-s, le Secours Catholique, Roms Action, le RESF 38, la Patate Chaude, le collectif Hébergement-Logement. Ils sont également accompagnés pour certain-e-s par le CCAS de Fontaine. Expulser ces sites, ce serait faire fi de ces liens, de ces avancées, des efforts fournis par les habitant-e-s pour trouver un travail et des initiatives améliorant la qualité de vie de ces personnes (camp d’été pour les enfants, suivi scolaire, etc).

En troisième lieu, les moyens financiers et administratifs très importants servant aux expulsions seraient bien mieux employés si ceux-ci étaient affectés à l’élaboration de réponses durables d’hébergements et de relogements12.

A l’heure où Romeurope identifie la stabilisation des lieux de vie comme la première étape à mettre en place pour permettre à leurs habitant-e-s de sortir de la misère et des stratégies de survie qu’elle implique, vous ne pouvez pas, en tant qu’élu-e-s de la Métro et des communes qui la constituent, continuer d’alimenter le nombre des expulsé-e-s et laisser ainsi se poursuivre, voire participer au harcèlement de populations précarisées et discriminées.

Avec l’association Un Toit Pour Tous : « Nous demandons à ce que personne ne soit laissé et que cessent les expulsions systématiques et contre-productives des campements et squats »13. Vous devez renoncer à considérer l’expulsion comme une issue possible, là où vous pouvez mettre en place un travail de relogement et aller jusqu’au bout de cet objectif. Une autre politique en la matière est possible, comme le montrent les multiples initiatives menées par les pouvoirs locaux dans différentes agglomérations ou villes (Strasbourg, Metz, Alès, Toulouse, Mulhouse, etc).

La Métropole doit s’engager, avec ses ressources, dans la lutte contre toute atteinte à la dignité humaine et pour le respect des droits les plus élémentaires des personnes (logement, protection, santé, éducation, etc).

8 – Des solutions existent !

De nombreuses solutions existent pour en finir avec l’absurdité des expulsions à répétition, réalisées sous les prétextes fallacieux d’insalubrité et de sécurité, qui permettent la destruction des camps (lesquels sont, malgré tout, des lieux d’auto-organisation des personnes à la rue pour éviter l’isolement) sans assurer leurs habitant-e-s d’un toit pérenne.

Il s’agit aujourd’hui, qu’il s’agisse de terrains de l’EPFL ou de terrains communaux, de combler le fossé entre les déclarations (rencontres avec les associations, programmatiques du PLH et PLUI) et les actions mises en œuvre.

Les solutions esquissées ici sont soit décrites dans le PLH, soit mises en œuvre ailleurs dans d’autres agglomérations ou communes. Il est indispensable d’œuvrer à la stabilisation des personnes sur leur lieu de vie et d’aller sur une opérationnalisation des solutions14 permettant l’accession à un logement digne pour tou-te-s.

Voici donc quelques pistes, pour rompre avec la logique inique des expulsions, en sus des trois engagements demandés à la métropole dans cette lettre (cf.ci-dessous) :

1) Développer plus largement des terrains d’insertion portés par la Métro ;

2) Recourir aux conventionnements, au dispositif de l’intermédiation locative et mettre en place des baux glissants (exemple de Maxéville en Meurthe-et-Moselle) ;

3) Lutter contre la vacance des logements (PLH 2017-2022, p. 87) ;

4) Mettre en place un projet de relogement, par exemple une nouvelle maîtrise d’œuvre urbaine et sociale (MOUS) ou augmenter les places de la MOUS actuelle, sur la base d’un co-financement (pouvant impliquer la Ville, la Métropole, l’État, l’Agence nationale de l’habitat au titre de la lutte contre l’habitat insalubre et indigne ou d’autres institutions pertinentes – DIHAL, Fondation Abbé Pierre, Fonds social Européen [FSE], Fonds européens de développement économique et régional [FEDER]15…) comme cela a été fait à Metz, Alès, Strasbourg16 ou Montreuil17 et améliorer les conditions de vie dans le bidonville (notamment avec l’évacuation des déchets et l’accès aux fluides) afin de stabiliser les personnes avant un relogement durable ;

5) Pour abonder ce co-financement, réorienter les fonds prévus pour financer l’expulsion vers une réelle politique de relogement :

  • Pour les communes : frais de mise à disposition des outils de chantier et des conducteurs d’engins, frais de justice, frais de mise à disposition du personnel de police municipale, du CCAS, des espaces verts et de la propreté urbaine.
  • Les expulsions et la vie à la rue ont un coût souvent invisibilisé mais très élevé pour la collectivité.
  • Les coûts « inutiles » : de gardiennage, d’hôtel, d’accompagnement social discount, etc.

6) Réserver des places en CHRS, parmi celles dont disposent les CCAS, ou des appartements/maisons de la Métro ou des communes (exemple de Toulouse), en privilégiant le cadre de baux glissants ;

7) Capter des logements sociaux via les organismes HLM où siègent comme administrateurs-trices – voire parfois comme président-e-s – les élu-e-s des communes ;

8) Mettre à disposition des terrains pour une durée déterminée (Ivry-sur-Seine – Île de France) avec aménagement avant un relogement durable ;

9) Recourir à la justice et porter plainte contre la Préfecture ;

10) Réquisitionner des logements vides ;

11) Moratoire sur les expulsions.

9 – Nous demandons aujourd’hui à la Métropole de prendre 3 engagements

Dans l’intérêt de l’ensemble de la population, nous vous demandons qu’une véritable politique soit engagée pour combattre cette précarité dans le respect des personnes, ce qui signifie :

Tout mettre en œuvre pour faire cesser les expulsions sans relogement et stabiliser les lieux de vie que sont les bidonvilles et les squats, afin qu’un réel travail sur les besoins d’habitat de leurs occupant-e-s puisse être réalisé.

L’agglomération grenobloise, forte de son statut de métropole, des 49 communes qui la composent, de l’ingénierie sociale dont elle dispose à travers ses CCAS, de son tissu associatif, de son patrimoine immobilier avec de nombreux logements vides, de friches commerciales ou industrielles, de l’EPFL qui lui permet d’exercer son droit de préemption, dispose de nombreux atouts pour faire face à ce défi qui doit être relevé.

Le PLH (programme local de l’habitat) a fixé des objectifs de production de logements sociaux à l’échelle de l’agglomération, avec un effort de construction partagé, proportionné à la taille de chaque commune et à son déficit en la matière. L’écart entre l’offre et la demande de logement et le fossé entre les déclarations d’intention et la réalité des constructions ou réhabilitations doivent être comblés.

L’agglomération grenobloise dispose de 4380 places d’hébergement dont 496 d’hébergement d’urgence. Le dispositif d’hébergement d’urgence ne répond plus à sa mission, moins de 10 % des appels au 115 donnent suite à un hébergement. Il est temps de renforcer et développer des solutions d’hébergement pour pouvoir faire face à une demande qui ne faiblit pas. Il manquerait environ 2000 places d’hébergement sur l’Isère18.

La métropole est engagée au titre du PLH sur les questions de logement19 et sur la lutte contre l’habitat non décent et l’habitat indigne20.

Conformément aux engagements pris par la métropole dans le PLH 2017-2022 et aux obligations des pouvoirs publics vis-à-vis des habitant-e-s des squats et bidonvilles (notamment du fait de la circulaire du 26 août 201221), nous demandons :

  • que les élu-e-s de la Métro, et particulièrement la présidente (Mme Garnier) et les vice-président-e-s de l’EPFL (M. Trovero, M. Coigné, Mme Terrier et M. Dherbeys), agissent au sein du conseil d’administration de l’EPFL pour la défense de la stabilisation des lieux de vie. Nous pensons ici particulièrement aux campements de Courtade et de Gérard Philipe à Fontaine, qui se situent sur des terrains appartenant à l’EPFL ou concernés par des projets relevant de l’inter-communalité. Ceci est un prérequis à un travail sur les besoins d’habitat de leurs occupant-e-s.
  • afin de garantir le respect des habitant-e-s des bidonvilles et squats de l’agglomération (et notamment Courtade et Gérard Philipe à Fontaine, Bouchayer-Viallet à Grenoble, Neyrpic à Saint Martin d’Hères, etc), l’intégration systématique de la clause suivante dans les transactions immobilières et foncières engagées par les collectivités territoriales de la métropole :

« Tout compromis de vente entre la collectivité publique et un aménageur, un constructeur ou un bailleur, et tout contrat de concession d’aménagement de ZAC devra comporter une clause de relogement des habitants même en cas d’occupation illégale, l’acheteur pouvant participer au relogement. La puissance publique aussi bien que l’aménageur ou l’acheteur potentiel s’interdira d’engager toute procédure judiciaire envers les occupants visant à l’expulsion de ceux-ci. En attendant, les lieux et locaux seront sécurisés pour être habitable et sans danger, la fourniture des fluides (eau électricité) et le ramassage des ordures assurés pour maintenir la salubrité et un minimum de confort.

Quant à la clause d’insertion sociale prévue dans le code des marchés publics, elle devra s’adresser aussi aux habitants des occupations illégales ayant la capacité de travailler. »

  • que la Métro fasse jouer son influence sur l’ensemble de ses communes et sur ses parte-naires. L’engagement des 49 communes de l’agglomération demeure faible et inégal. « Ce serait dommage de devoir en arriver à la coercition pour simplement convaincre toutes ces communes de faire des efforts parce qu’il y a des familles avec des enfants à la rue ou dans des campements !22», soulignait Christine Garnier. Or, au moment où des dizaines de personnes risquent de se re-trouver à la rue d’ici fin juillet, sans doute est-il temps d’accentuer la pression sur les communes, mais aussi sur le Département et l’État pour trouver des solutions.

Les habitant-e-s des bidonvilles et des squats sont des habitant-e-s de l’agglomération à part entière.

Nous refusons la mise en place de critères arbitraires pour faire le tri entre les personnes : la loi veut qu’un toit soit un droit !

Pas d’expulsion sans relogement !

Stabilisation des lieux de vie dans l’attente d’une politique publique

de résorption de l’habitat indigne (bidonvilles et squats) respectueuse des habitant-e-s !

Grenoble, le 30 juin 2017.

Collectif la Patate Chaude

Copies :

A Sylvain MATHIEU, Délégué interministériel pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans-abri ou mal-logées
A René DUTREY, Secrétaire général du Haut Comité pour le Logement des Personnes Défavorisées
A Jacques TOUBON, Défenseur des droits
A Gilbert MICHELIN, Gérard BRION, Dzung TADUY, Bernard REVIL-SIGNORAT, délégués du Défenseur des droits sur l’agglomération grenobloise
A Thorsten AFFLERBACH, Représentant spécial du secrétariat général sur les questions Roms au Conseil de l’Europe
A Annie DAVID, Sénatrice de l’Isère
A Florent GUEGUEN, Directeur général de la Fédération des Acteurs de la Solidarité
A Francis SILVENTE, Président de la Fédération des Acteurs de la Solidarité Rhône-Alpes
A Raymond ETIENNE, Président de la Fondation Abbé Pierre
A Véronique GILET, Directrice régionale de la Fondation Abbé Pierre
Au Collectif National Droits de l’Homme Romeurope
A la Ligue des droits de l’Homme
A L’European Roma Rights Centre
A Billar BILA, Président de La Voix des Rroms
Au collectif des Associations Unies
A Freek SPINNEWIJN, Directeur de la FEANTSA (Fédération Européenne des Associations Nationales Travaillant avec les Sans-Abri)
A la Coordination Isèroise de Soutien aux Étrangers Migrants
Au collectif Associations Unies Isère – Alerte

1 Introduction du rapport Romeurope 2017 : http://www.romeurope.org/wp-content/uploads/2017/02/Rapport_2017_20-propositions-1.pdf.

2 A minima, les droits bafoués concernent, au regard de la déclaration de 1948 : l’article 3 sur la sûreté des personnes (la rue serait un lieu sûr ?), l’article 7 sur l’absence de discrimination devant la loi (les pratiques d’intimidation à l’égard des personnes par les autorités compétentes – comme ce fut le cas lors des expulsions de Valmy – en est un exemple), l’article 9 sur les arrestations arbitraires (avec la banalisation des centres de rétention et l’enfermement des migrant-e-s), les articles 12 et 17 sur la propriété et la violation de l’intimité des personnes (les cas sont multiples où les personnes ne peuvent même par récupérer leurs effets personnels), l’article 26 concernant le droit à l’éducation,…

3 Site de la « mobilisation en Île-de-France contre 25 de politiques coûteuses et inutiles d’expulsion des bidonvilles » : http://www.25ansbidonvilles.org/la-campagne-en-questions/

4 Recensement des évacuations forcées de lieux de vie occupés par des Roms (ou des personnes désignées comme telles) en France, LDH et ERRC, 2016 : http://www.ldh-france.org/wp-content/uploads/2017/02/Note-Expulsions-forcees-2016.pdf.

Voir aussi l’article de Libération du 16/02/16 : http://www.liberation.fr/france/2016/02/16/le-conseil-de-l-europe-inquiet-des-evacuations-de-roms-sans-relogement-en-france_1433623.

5 Rapport sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, CNCDH, 2016 : http://www.cncdh.fr/sites/default/files/les_essentiels_-_rapport_racisme_2016_1.pdf.

6 Introduction du rapport Romeurope 2017.

7 Article des Inrocks du 15/09/15 : http://www.lesinrocks.com/2015/09/15/actualite/les-habitants-dun-quartier-font-expulser-une-famille-de-roms-en-isere-11774576/

8 Parmi les expulsions de bidonvilles et squats de ces dernières années : Joliot Curie à Fontaine (9 juillet 2015), Esmonin à Grenoble (29 juillet 2015), 120 Toises à Echirolles (29 octobre 2015), 113 cours de la Libération à Grenoble (26 avril 2016), ZAC Flaubert à

9 L’ONU exhorte la France et la Bulgarie à arrêter les expulsions forcées de Roms : http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=35536#.WVI8L1FBphE

10 Le conseil de l’Europe a récemment publié une déclaration conjointe de l’OPRE sur les expulsions des roms et des gens du voyage en Europe : https://rm.coe.int/16806830fa

11 Lettre ouverte de la Patate Chaude à la Ville de Grenoble, 4 avril 2017 : https://collectif16septembre.wordpress.com/2017/04/08/llettre-ouverte-a-la-ville-de-grenoble-et-aux-elu-e-s-concernant-le-bidonville-de-bouchayer-viallet/

12 Recensement des évacuations forcées de lieux de vie occupés par des Roms (ou des personnes désignées comme telles) en France, LDH et ERRC, 2016.

13 L’état du mal-logement en Isère, 2016-2017, page 44 : http://www.untoitpourtous.org/fichiers/2296/rapport-mal-logement-isere-2017.pdf.

14 Nous vous invitons fortement à consulter le rapport Romeurope 2017, dont certaines propositions sont issues : http://www.romeurope.org/wp-content/uploads/2017/02/Rapport_2017_20-propositions-1.pdf.

15 Ces deux institutions mettent à disposition des États des moyens financiers importants. La prise en compte de la question des bidonvilles est incluse dans plusieurs champs d’actions possibles autour des volets sociaux et urbains.

16 Rapport Romeurope 2017.

17 Avis sur le respect des droits fondamentaux des populations vivant en bidonvilles : Mettre fin à la violation des droits, Audition menée par le Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme du 15 octobre 2014, pp.10 : http://www.cncdh.fr/sites/default/files/14_11_20_avis_sur_le_respect_des_droits_fondamentaux_des_populations_vivant_en_bidonvilles_0.pdf

18 Suivi des demandes et des parcours d’hébergement et analyse de l’offre d’hébergement, OHL – Métro, janvier 2016, pp.9-10 : http://obsy.aurg.org/files/cahiermetro_vdef_2016_OHL.pdf

19 « Grenoble-Alpes Métropole dispose de nouvelles compétences plus opérationnelles tant pour améliorer et requalifier le parc exis-tant et qu’en matière d’accompagnement de la production d’une offre nouvelle en logements. La mise en place d’une stratégie fon-cière et immobilière métropolitaine au service de la production de logements et plus particulièrement de logements locatifs sociaux est ainsi facilitée et mobilisera les outils fonciers, fiscaux, opérationnels, de planification. » Programme Local de l’Habitat 2017-2022, p. 87 : https://www.lametro.fr/945-elaboration-du-plh-2017-2022.htm

20 PLH 2017-2022, p. 118.

21 Cette circulaire rappelle qu’avant expulsion d’un bidonville, des solutions alternatives devront être recherchées activement pour le relogement des personnes. Elle souligne le fait que cette anticipation et cette charge n’est pas que le fait de l’État et requiert l’implication des collectivités.

22 Article de Place Gre’net du 11/05/2017 : http://www.placegrenet.fr/2017/05/11/christine-garnier-la-requisition-ne-permet-pas-de-recuperer-beaucoup-de-logements/132085#les-commentaires

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