Témoignage sur le quotidien d’une famille Rom

 

Camp de La Tronche (hiver 2009-2010)

Photo JLA (tous droits réservés)

Vous êtes Européens, nous sommes Européens, il nous suffit de notre carte d’identité pour traverser une frontière de l’Europe. Être français, et aller vivre en Allemagne, c’est possible. C’est comme décider de déménager à l’intérieur de la France.
La Roumanie fait partie de l’Union Européenne; ainsi, vous pouvez partir en Roumanie, et aller vivre en Roumanie.
Par contre, les Roumains… ils peuvent venir en France avec leur carte d’identité, c’est légal.
Mais pour vivre et travailler en France : il leur faut une carte de séjour, délivrée par la préfecture.

Or, pour avoir une carte de séjour délivrée par la préfecture, il faut un contrat de travail. Quel patron fait un contrat de travail pour une personne, quand remplir le contrat et réunir les pièces du dossier de ce contrat coûte 3 heures à 3 personnes bien organisées, quand ce patron doit payer 800 euros pour un CDI, et attendre plusieurs mois que le dossier soit étudié et peut essuyer un refus? Pour un patron, c’est du temps, de l’argent et un risque après 3 mois de ne pas avoir son employé. Mais si des patrons tentent l’aventure, c’est qu’ils connaissent les compétences multiples de ces gens qui vivent de rien, et construisent tout avec leur main, réparent tout et ont donc en plus du métier qu’ils ont appris des compétences multiples et créatives.
Donc, pour les Roumains (et les Bulgares), pour avoir une carte de séjour ouvrant le droit au travail, il faut un contrat de travail, et pour avoir un contrat de travail il faut une carte de séjour !
Pour un Roumain, qui est rentré légalement en tant qu’européen sur le territoire européen, avec sa carte d’identité ou son passeport, il n’a pas de droit de s’inscrire à Pôle Emploi sans carte de séjour, il n’a pas le droit de demander un logement social sans carte de séjour, il n’a pas le droit de bénéficier d’aucune allocation, ni RMI, ni RSA, ni CAF.

Un Roumain/Bulgare est donc dans ses droits en se promenant sur le territoire européen, mais un SANS PAPIERS encore plus exclu sur le plan administratif.

Seuls les Roumains qui contractent depuis la Roumanie en tant que scientifiques, chercheurs, médecins…. obtiennent une carte de séjour.

Il s’agit d’une attitude totalement discriminatoire.

Ainsi, depuis décembre 2009, je soutiens une famille.
Cette famille est « réfugié climatique », leur domicile est parti dans la crue d’un fleuve en novembre.
Le papa est d’origine Rom, il a été abandonné dans un orphelinat à 4 ans, il a travaillé comme mineur de fond à l’age de 16 ans. A 35 ans, malade des poumons, la mine ayant fermé, il a lutté contre la maladie et la mort à plusieurs reprises. Il vit avec une jeune femme, roumaine, non rom, ils ont un premier enfant que lui élèvera, pendant que sa femme travaille. Jusqu’à ce qu’ils perdent tout dans cette crue.
Ils arrivent à Grenoble avec leur enfant, ils ont payé leur billet d’autobus, 150 euros chacun et 24 heures de trajet.
Novembre… le froid… il construit jour et nuit un petit nid avec des planches, des portes, des cartons, un bidon, fabrique un poêle, un toit pour protéger sa femme enceinte et sa fille.
C’est un de ces jours d’hiver que j’arrive. Ils ont 1 centime en poche.
Mme parle 4 langues, dont l’espagnol et l’anglais, elle a étudié jusqu’en première mais doit arrêter pour travailler et gagner de l’argent. Madame est commerçante, elle a aussi travaillé dans l’aide à la personne, pratiqué des soins auprès de personnes âgés.

Je suis médecin, je contacte un de mes pères qui m’a enseigné, pour qu’il voit cette homme malade, il répond oui, dans les 48h ! Le jour du rendez-vous cet homme est depuis la nuit dans une détresse respiratoire importante, il est hospitalisé. Sans ce concours de circonstance, il ne serait plus de ce monde…

A l’hôpital sa femme me dit « pourquoi tu a fait tout cela pour nous ? »
J’ai les larmes aux yeux… par respect… par respect de la dignité humaine que j’essaye de rendre à chaque instant… parce que nous sommes tous frères…

Dans sa question il y avait : on est devenu pauvre, on a 1 centime d’euro en poche, et tu es là, toi médecin, toi française, alors que nous avons du quitter notre pays, parce que nous mourrions de faim et étions sans toit.
Dans sa question il y avait : personne ne nous considère comme humain, nous sommes rejetés partout, et tu a sauvé la vie de mon conjoint.
Dans sa question, il y avait merci.

Logée sa femme et sa fille en urgence : j’appelle le CG 38, je tairai le nom de la personne. J’appelle le 115, puis je rappelle la dame du CG. Une chambre est débloquée pour la petite.Cet homme, il a été soigné, par un compatriote. Il a pu voir la naissance de son bébé. Il a voulu nommer son bébé de mon nom (qui est un prénom français). Il m’a dit : sans toi, je ne l’aurais pas vu.
Cet homme, avant la naissance, m’a demandé, comment cela se passe en France?
Je lui ai expliqué que les papas assistent le plus souvent à l’accouchement, mais qu’il n’y a rien d’obligatoire. Les larmes ont roulé sur les joues de ce père, qui en France, allait avoir le droit de voir naitre son enfant.
Cet homme, il était fier de déclarer son fils.

Ce couple, il vit dans un CAM hôtel… dans une chambre d’un hôtel, offerte par le CG, dans le cadre de la protection de l’enfance. Il y a un lit deux places pour 4 personnes. Une douche, un évier. C’est humide. Cette place, nous l’avons obtenu un soir quand monsieur était hospitalisé en urgence, madame et sa fille ne pouvaient pas dormir dans une cabane sans fermeture… madame ne pouvait pas fouiller les poubelles avec sa petite et son gros ventre, comme le faisait monsieur…
Ils n’ont jamais mendié, jamais volé.

Monsieur, il s’est déjà fait frapper par les propriétaires des poubelles qu’il fouillaient !!!
Monsieur, il s’est fait prendre 40 euros dans son portefeuille par des contrôleurs de la TAG…
Monsieur, il allait à l’hôpital, quand il a failli se faire taper par des contrôleurs de la TAG… si un citoyen ne l’avait pas soutenu… merci citoyen…
Mon premier jour… après 2h de prise de connaissance, nous allons à l’hôpital. Tout le monde rentre dans ma voiture… une voiture de police nous bloque. « on veut voir le monsieur, il est grand, il a un bonnet bleu, c’est notre homme ». Je demande plus de précisions… j’explique que j’étais présente dans leur cabane depuis l’heure de 9h du matin et que mon collègue était arrivé les voir à partir de 8h30… Je vois les policiers se regarder, et dire… « alors c’est pas lui qui a volé dans le casino !!! » Incroyable…. combien d’hommes grands avec bonnet bleu y a-t-il a Grenoble en décembre ?
Sans notre RDV de prise de connaissance, il était arrêté pour vol, à tort !

Monsieur est un passionné de mécanique, automobile, mécanique générale. Il répare tout. Il a été fermier, agriculteur, mécanicien, mineur de fond… il fait survivre sa famille.

Je suis là, citoyenne de mon pays…
Dans mon pays, chacun doit pouvoir vivre dignement par le fruit de son travail…
Alors… j’accompagne vers la dignité… les gens… vers leurs projets… cet accompagnement dans le respect des lois… dans le respect des procédures… font de moi chaque jour, je suis un témoin…
La famille reçoit 300 euros par mois du conseil général… pour l’enfant…puis pour les enfants…
C’est beaucoup, d’autres doivent se contenter de 150 euros pour une famille de 5… ceux qui n’ont pas de témoins français…

Nous allons au trésor public récupérer cet argent… c’est fermé depuis 30 secondes… on refuse de nous servir…
Le lendemain madame y retourne seule… on refuse de la servir… sa carte d’identité n’est pas « aux normes »… madame a fait 3 km à pied dans le froid, enceinte de 7 mois, on est en janvier.
Le surlendemain je retourne avec madame… l’employée appelle le chef, la carte d’identité roumaine n’est pas « aux normes ». Nous présentons extrait d’acte de naissance (original), carte d’identité du conjoint, passeport de la petite… pour qui est cet argent… (comme c’est écrit sur la feuille remise par l’assistante sociale pour remettre à la trésorerie…)…
Pour finir… grâce au passeport de la petite… le « secours d’urgence » est remis !

Imaginez-vous une seconde, vous trouver en tant que français en Roumanie, au guichet de banque et vous voir refuser un retrait au prétexte que votre carte d’identité n’est pas « aux normes ».. alors que c’est celle qui est délivrée par les autorités françaises et est en vigueur…

Pour éviter ce passage à la trésorerie, la famille ouvre un compte postal.
J’ai passé 1h45 à la poste dans lequel a été ouvert le compte pour récupérer ce même argent !!! « la carte d’identité roumaine n’est pas aux normes »… il n’y a pas de signature…. c’est ainsi dans toutes les cartes d’identité roumaines… ce qui n’a pas empêché la Roumanie d’entrer dans l’UE.

Que faire?
La Roumanie fait partie de l’union européenne.
Les Roumains circulent librement comme c’est inscrit par la loi avec leur carte d’identité.
Cette carte d’identité n’a pas de signature.

Cette carte d’identité roumaine sans signature permet d’ouvrir un compte bancaire ou postal, mais lorsqu’on se présente au guichet avec cette carte qui a permis l’ouverture d’un compte on refuse l’accès à l’argent de la personne qui a son argent sur son compte !!!
Oui, il a fallu attendre que le chef déclare que pour 300 euros, il n’y a pas lieu d’exiger une pièce d’identité, et qu’il suffit de comparer la signature du client avec celle faite le jour de l’ouverture du compte… Cette simple opération a été permis uniquement par ma présence de française… en 1h45…
Cela faisait 15 jours que la famille n’avait plus d’argent pour vivre et manger !!!

Pour avoir accès à la tarification solidaire… TAG… il faut une domiciliation, un déclaration d’imposition 2008…. quand on est arrivé en 2009, on n’a pas encore de déclaration d’impôts. La TAG demande alors la CMU ou l’Aide médicale d’Etat… à la place.
Or, pour avoir l’AME ou la CMU, les personnes font une déclaration sur l’honneur d’absence de ressource… mais la TAG refuse une déclaration sur l’honneur d’absence de ressources…
Pour obtenir la CMU ou l’AME, il faut : avoir résidé 3 mois sur le territoire français, pourvoir le trouver avec des papiers de domiciliation… ce qui est très facile lorsqu’on habite une cabane en plastique, bois ou …
Par ailleurs, débuter une demande d’AME ou CMU c’est encore un délais de 2 ou 3 mois qui court… soit parfois 6 mois pour obtenir cette carte !!! donc 6 mois d’impossibilité d’avoir accès la tarification solidaire. 6 mois d’angoisse dans les transports en commun, six mois d’impossibilité de payer tous les jours son ticket…. 6 mois d’amendes qui seront impayées… six mois de honte de de stigmatisation… lors des contrôles… Six mois dans l’impossibilité de payer dignement son transport en fonction de ses ressources.

Je ne parle pas du refus de guichet en préfecture… lors de la tentative de demande de carte de séjour pour cet homme malade, qui doit sa vie à la France, et désire travailler pour rendre à la France par son travail, par ses impôts, par la sueur de son front, la vie qu’elle lui a offert.
Les demandes en logement : l’assistante sociale refuse de faire de demandes en CHRS, contrairement à la législation en vigueur.
Alors, je monte des dossiers, et vais les déposer… avec la famille.
Pour cette famille il faut un F2 : madame, nous n’avons que des studios.
J’explique… madame, ils sont entassés à 4 sur un lit deux places, votre studio sera plus digne et plus humain que leur logement actuel (et moins honéreux pour le CG).
Mais la loi est la loi, on ne peut pas mettre une famille de 4 dans un studio, mais on peut mettre une famille de 4 dans une chambre de 5m2 avec moins de couchage que de personnes ! Et pas de possibilité de cuisiner dans cette chambre d’hôtel !…
Quand au CCAS auprès duquel nous avons déposé une demande de logement social… la carte d’identité ne suffit pas ils sont illégaux, même si européens, venez rechercher le dossier !!!

La famille dort à l’hôtel, se lave à l’hôtel… traverse la ville vers la cabane où on peut faire la cuisine… il n’y a pas d’eau, pas d’électricité, pas de toilettes…
On retraverse la ville pour aller au point d’eau laver le linge….
On retraverse la ville pour aller à l’aide alimentaire…

Parfois, la carte d’aide alimentaire s’arrête, alors il faut la refaire…
Une fois la queue 3 h, deux fois la queue 3 heures, 3 fois la queue trois heures… et la quatrième fois, on dit : mais vous ne dépendez pas de cette banque alimentaire, allez la semaine prochaine à l’autre adresse… enceinte ou pas, quelle que soit la température… il y a des couches pour la femme précédente et suivante, mais pas pour la Roumaine.

L’association qui donne le lait et les couches pour les BB jusqu’au un an du BB et les vêtements et matériel de puériculture, jusqu’aux trois ans des enfants, elle le fait pour tous, les sans papiers, les déboutés du droit d’asile, mais pas la maman roumaine !

Inscrire l’enfant à l’école… Elle est propre depuis ses 18 mois… Mais à Grenoble JAMAIS avant 3 ans… Peu importe le froid aux cabanes où on se réchauffe en brûlant du plastique… peu importe l’hôtel de 5 m2… 3 ans c’est 3 ans… La petite, elle répète tout ce que je dis, en français ou en anglais… Elle est sociale, vive, intelligente, éveillée, toujours souriante. Elle adore lire.
De 2 ans 7 mois à 3 ans … on est allé à la mairie, à l’antenne mairie, qui nous a envoyé à l’autre antenne mairie, et encore à une autre…
A ses 3 ans, on est revenus… c’était le 31 mai. « Madame, vous n’y comptez pas, elle ne peut pas rentrer le 31 mai ! Il faut attendre septembre prochain !!! »
Offrir à cette petite l’accès à l’école pour son anniversaire, comme ses parents le souhaitaient depuis notre première rencontre… étaient ce qu’ils auraient souhaité de plus cher…

Monsieur sort de chez son pneumologue, il rentre dans une pharmacie, la famille m’appelle. La pharmacienne ne parle ni anglais ni espagnol ! Incroyable pour une personne qui a fait 8 à 10 ans d’études… Parle à la pharmacienne, j’entends « leur carte d’AME n’est même pas à jour, c’est le bazar… je ne peux pas les servir ». J’explique : « madame, cette carte vient d’être éditée par la CPAM Grenoble, mais la famille vient d’avoir un bébé, donc, elle a du remettre à la CPAM leur carte pour que le bébé soit inscrit sur la carte ». La CPAM leur a fait une copie de la carte, en attendant que la remise à jour soit faite. Les droits sont ouverts, tout est en règle. « non, je ne peux rien faire avec une copie de carte, vous comprenez… si c’est une fausse… ». J’invite la pharmacienne à tél à la CPAM, si elle n’a pas confiance… Bref… 30 minute de suspicion, de racisme gratuit au guichet de la pharmacie, d’humiliation, de criminalisation, pour obtenir des médicaments pour continuer à vivre !!! . C’est honteux.

J’ai oublié le récit de l’abattage des arbres des cabanes où ils s’entaient réfugiés la promesse d’écraser les cabanes au bulldozer… leur déménagement et reconstruction de leurs mains de toutes les cabanes pour donner un toit, une maison à la famille….

En Roumanie, on mourait de faim. Ici, au moins, dans les poubelles on trouve à manger.
On ne veut pas de charité, on veut pouvoir, avec le droit au travail, gagner notre argent dignement, à la sueur de notre front.
Ils sont conducteurs de locomotive, routiers, informaticiens, mécaniciens, mâcons, ils ont tous étudié jusqu’au bac pour les jeunes…

Je cherche un terrassier en juin … « mais ma pauvre dame, pas avant octobre… ». Une autre encore : cela fait 2 ans que je cherche un peintre pour ma maison. Le premier s’est suicidé, le seconde cela fait un an que j’attends le devis… il paraît qu’il n’y a pas de travail… vous cherchez un artisan, vous en avez pour 6 mois minimum… cherchons l’erreur…

Ce récit de migration… il ne doit pas être bien différent de celui des italiens qui ont traversé les Alpes par exemple. De ces français qui ont traversé la Méditerranée pour trouver la richesse et sont mort de tuberculose au début du siècle.

Tout être humain souhaite vivre, et parfois pour éviter la mort, il faut migrer, ailleurs… quand on migre, c’est qu’on n’a plus d’autre choix…. c’est pour faire vivre son couple, sa famille dignement et honnêtement.

Les gens dans ces bidonvilles, on les appelle Rom, parce que les Rom, ils ont toujours été rejetés et c’est facile de les rejeter. Tous les mythes courent à leur sujets… Ils ont été les premiers dans les convois vers les camps d’extermination… leur crime?
Certains sont Gitans, Rom, appartiennent à ce peuple qui parle Romani… d’autres sont des Roumains, d’autre Bulgares… Ils sont sédentaires, contrairement aux gitans français « gens du voyage ».
Les bidonvilles, la misère ce n’est pas leur « mode de vie », ni leur culture.
En chaque être humain existe des richesses, ces humains ont tous des savoir faire.

L’autre jour au camp, j’ai rencontré une mamie qui aidaient des mamans en leur lavant du linge.
Petite femme, je viens la nuit à 22h dans les cabanes. Il faut arrêter de croire et faire croire que les personnes démunies n’ont ni dignité, ni honnêteté, ni respect.

Par contre, j’entends une connaissance me dire « j’ai remplacé un médecin qui faisait venir une personne de la famille avec les 5 cartes vitales et facturait les 5 cartes en 5 mn, refaisant les ordonnances sans avoir vu aucun des patients… » ; une autre connaissance expliquer que dans une station de sport d’hiver, son associé « a expédié les 300 000 euros de bénéfices dans un paradis fiscal… au lieu de les déclarer au fisc… »

Tout cela, c’est en Isère…

Que le nouveau préfet cherche les vrais criminels… et rende la dignité aux gens honnêtes.

LOPPSI 2, Le Gouvernement fait la guerre aux mal-lotis

Solidarité avec les mal-logésNon à la pénalisation et à l’expulsion arbitraire des habitants de logements de fortune…

  • ROMs, gens du voyage, habitants de bidonvilles, de cabanes, de maisons sans permis de construire, et de toutes formes d’habitats légers, mobiles et éphémères, tous sont visés…

A l’heure où le Gouvernement est attaqué de toute part sur sa politique répressive et raciste à l’égard des Roms, des gens du voyage et en règle générale, des populations précaires, il fait adopter en force l’article 32 ter A de la LOPSSI 2 à l’encontre des habitants de bidonvilles, d’habitations de fortune, de campements de sans abris comme dans le bois de Vincennes, et également à l’encontre de personnes ayant choisi d’habiter caravanes, roulottes, camions, tipis, yourtes, auto et éco-constructions.

Toute construction sans permis de construire, comme il en existe beaucoup dans les DOM TOM pourrait aussi tomber sous le coup de cette procédure d’exception, car une construction sans permis est « illicite ». Cette procédure menace également les squatters : le Ministère de l’Intérieur a annoncé son intention de l’étendre aux occupants de locaux lors de la deuxième lecture à l’Assemblée Nationale.

L’article 32 ter A de la LOPPSI 2 est une mesure d’exception car elle bafoue les principes de la protection par le juge du domicile, des biens, de la vie familiale et privée, et donne un pouvoir arbitraire et disproportionné au Préfet : en effet, la procédure d’expulsion en vigueur actuellement sur les logements de fortune, nécessite une décision du juge, elle protège d’une expulsion en hiver, elle permet d’être pris en compte dans des dispositifs de relogement voire d’hébergement, elle doit respecter des délais et des actes de procédure délivrés par un huissier, elle prévoit la protection des biens des personnes expulsées….

Elle est une mesure arbitraire car elle est justifiée par « un risque grave d’atteinte à la salubrité, à la sécurité, à la tranquillité publiques », notions extensibles et floues qui laissent la place à toutes les interprétations. Elle vise toute personne qui aura décidé en réunion (2 personnes et plus), de s’installer sur un terrain quel que soit le propriétaire, et la nature de la relation entre le propriétaire du terrain et les habitants. Même si un des habitants est le propriétaire du terrain, ou si l’utilisation du terrain est contractualisée avec les occupants, ou si simplement le propriétaire n’est pas opposé à cette installation, le Préfet peut employer cette procédure d’exception dans un délai de 48h.

L’article prévoit une sanction financière pour ceux qui ne s’exécuteraient pas assez vite, ainsi que la destruction de l’habitation et des biens qu’elle renferme, sur procédure accélérée. La destruction au bulldozers et le vol des biens d’autrui seront ainsi légalisés. Cette disposition ouvre la voie à une atteinte au droit de propriété.

Cette loi, viendrait faciliter la destruction autoritaire des construction dite « illicite », et la réalisation de la « lutte anticabanisation » lancée notamment par le Préfet des Pyrénées Orientales depuis 2007.

Cette disposition vise et accable les personnes les plus gravement touchées par la crise du logement. A l’opposé des politiques conduites il y a 50 ans, elle répond à la recrudescence des bidonvilles et des formes les plus aigües de mal-logement par la répression et par une procédure d’expulsion expéditive. En effet, alors que le Gouvernement prétend mettre en œuvre le droit au logement, il n’est prévu ni relogement ni hébergement pour les expulsés. Ils doivent quitter les lieux et se rendre invisibles.

  • Nous demandons le retrait de cet article, le retour et le respect de la Loi d’origine sur les terrains d’accueil, adoptée en 2000 dans le cadre de la Loi SRU, et des mesures législatives qui reconnaissent la qualité de domicile et son caractère permanent à l’habitat choisi, au lieu de le réprimer et le stigmatiser.
  • Nous exigeons que la politique de résorption des bidonvilles et des habitats de fortune s’inscrive dans les politiques du logement, la mise en œuvre de la loi DALO et des procédures d’insalubrité,… afin que chacun et chacune puissent être logés dignement.
  • Nous dénonçons la politique répressive et stigmatisante du Gouvernement qui s’attaque aux plus modestes et aux plus fragiles, et demandons l’abandon de tout projet anti-squat.

Premiers signataires : ACDL, ADGVE, AITEC, AFVS, AMIDT, ANGVC, CGT CDC, Cheyenne, CNL, DAL, FAPIL, Fédération Calé/Kalé, FNASAT, HALEM, Jeudi noir, La voix des Roms, LDH, MRAP, RESOCI, SAF, Union Syndicale Solidaire, Vie et Habitat Choisi,… Ainsi que : Alternatifs, PG, NPA, Les Verts,…

« Clap de fin au camp du Rondeau » (20 minutes)

Article 20 Minutes Grenoble 02/12/10rOMS Les familles ont été relogées, dont certaines dans un lieu d’urgence

Les bulldozers ont pris possession hier du Rondeau, rasant les derniers signes de présence des Roms qui ont vécu sur le site. Epilogue d’un feuilleton de trois mois et d’un mardi riche en rebondissements. Depuis quelques jours, la Métro et la Ville avaient décidé de fermer le campement du Rondeau, où cohabitaient depuis fin août plusieurs dizaines de Roms roumains (ils étaient 70, chiffre qui a évolué au gré des départs et arrivées). Une décision mue, selon Olivier Noblecourt, vice-président du CCAS, « par des impératifs humanitaires et le souci de mettre fin à certaines dérives. »

La solution ne fait pas l’unanimité
Le CCAS a ainsi relogé, mardi après-midi, une quarantaine de Roms dans des caravanes et appartements appartenant au Secours catholique. « Nous avons favorisé les familles avec enfants, précise Françoise Bouchaud, directrice du Secours catholique de Grenoble. Tous les logements ont maintenant le chauffage et l’électricité. » Restaient alors 27 personnes sur le camp. « J’ai sollicité la préfecture mardi matin pour leur trouver un lieu d’hébergement d’urgence, explique Olivier Noblecourt. Ils ont répondu à 18 h 30 en réquisitionnant un local, rue Prosper-Mérimée. » Une solution provisoire qui est loin de satisfaire Dominique Jégou, de Solidarité Roms : « En arrivant, on a trouvé un garage non chauffé, sans matelas, avec des lits de camp installés par la Croix Rouge. Les Roms sont parqués ici, sans garantie. Quand il fera plus doux, vont-ils être expulsés ou errer dans les rues ? » Françoise Bouchaud coupe court à la polémique en dénonçant « l’imprévoyance de l’Etat. » Olivier Noblecourt estime, lui, « sortir la tête haute : on a mis 70 personnes à l’abri en un après-midi. »

Manuel Pavard20 minutes

La réalité vécue d’une « mise à l’abri »

Abri en cours d'installation à minuit le 30 novembre

Abri en cours d'installation à minuit le 30 novembre

La mise à l’abri de la neige et du froid des personnes campant depuis début août dans la camp du Rondeau a été organisée dans l’improvisation totale mardi soir. Il a fallu attendre plus de 3 mois pour qu’enfin  le droit commun soit appliqué en particulier pour les familles avec des enfants qui venaient encore de passer des nuits dehors dans le froid et sous les premières neiges.

Mardi soir malgré les alertes météo, la Préfecture a attendu 18h,  la nuit et la neige drue, pour enfin accepter de remplir sa mission. Les propos du secrétaire d’état mardi sont très loin de la réalité vécue quotidiennement par les travailleurs sociaux et les associations auxquelles nous voulons rendre hommage. Benoist Apparu déclarait : « Tous ceux qui appelleront le 115, qui est le numéro d’urgence, se verront proposer une place ». Loin de ces discours, il faut dénoncer la façon dont l’installation dans un hangar industriel désaffecté depuis des années s’est passée : pas de transport pour déplacer les personnes, pas de nourriture sur place, un chauffage insuffisant mis en route après leur arrivée, la préfecture et des vigiles empêchant la presse et les habitants venus témoigner de leur solidarité d’entrer dans le local…  Aujourd’hui, après une deuxième nuit sans dormir dans ces conditions, les personnes ont été priées de vider les lieux ce matin en leur disant : « on vous dira ce soir si on réouvre ». Ils en ont profité pour aller à leur ex-camp du Rondeau pour récupérer leurs affaires selon la promesse qui leur a été faite par le CCAS de Grenoble. À leur arrivée la-bas, ils se sont heurtés à des policiers ainsi que la presse, et tout est parti à la poubelle… C’est donc une politique délibérée de brutalité qui a été choisie par la préfecture. L’Etat et les collectivités réfléchissent même à les remette à la rue, la température n’étant pas tombée sous les -5°; l’opération n’aurait alors servi qu’à détruire le camp du Rondeau, à le fermer, afin de briser les solidarités et pouvoir commencer un tri humain pour renvoyer le maximum de personnes dans leur pays alors qu’elles ne demandent qu’à travailler ici pour se loger et nourrir leur famille.

Aujourd’hui, l’Etat cherche à utiliser les conditions climatiques pour mener à bien sa chasse aux humains considérés comme indésirables.
Demain, les humains indésirables pourront être l’un de vous : mère isolée à la rue, sans emploi à la rue… Ce qui est expérimenté sur les migrants n’est que le test de mesures qui violent les droits humains élémentaires et dont tout citoyen va pâtir.

Nous continuerons à dénoncer la politique qui fait l’apologie de ces traitements discriminatoires infligés en particulier aux roms sans oublier tous les autres réfugiés chassés de notre pays.

Pendant ce temps d’autres populations roms y compris avec des enfants en bas âge sont oubliées dans des cabanes qui menacent de s’écrouler sous le poids de la neige à Saint Martin-le-Vinoux, Fontaine, Saint Martin d’Hères et La Tronche. Quelle honte pour un pays dit d’accueil, alors que le nombre de logements vides dans l’agglomération de Grenoble a été recensé par l’INSEE à 6000 !

Nous appelons tout citoyen isérois, possédant un logement vide, à le signaler aux associations humanitaires de manière à loger tous les gens à la rue.

Ne restons pas dans l’indifférence… passons tous à l’action !

Le collectif Solidarité roms

Environ soixante-dix Roms ont été relogés à Grenoble

Dauphiné Libéré du 2 décembre 2010

« Satisfaits. » Hier, lors d’une conférence de presse, le CCAS de la Ville de Grenoble, la Métro, le Secours Catholique, se sont dits « satisfaits de l’opération de fermeture du site du Rondeau et du relogement des familles Roms qui y habitaient ».

Avant-hier mardi vers 18 heures, la préfecture donnait en effet son aval concernant la fermeture du site. Les raisons principales : la neige et le froid évidemment, qui ne permettaient plus aux personnes concernées « de vivre décemment ». Mais aussi, explique-t-on en coulisses, la présence sur le site de plusieurs individus se livrant au proxénétisme voire à trafic plus douteux encore. En tout cas, « du lourd », expliquait-on hier au CCAS, sans vouloir s’attarder davantage sur le sujet. La police aurait ainsi procédé à plusieurs interpellations.

Bref, quelles que soient les motivations de cette fermeture, celle-ci s’est accompagnée du relogement des personnes qui composaient alors le site.

« Faire rentrer ce public dans le droit commun »

« En très peu de temps », le CCAS de la Ville de Grenoble et les associations (le Secours Catholique, Roms Action, etc.) ont dû improviser afin de trouver des solutions de relogement pour 41 personnes (uniquement des familles).

Les personnes isolées quant à elles, environ une trentaine, ont été prises en charge par la préfecture. La totalité des 70 individus (environ) autrefois présents sur le site du Rondeau, est donc aujourd’hui relogée.

Pour le détail, les personnes isolées prises en charge par la préfecture ont été relogées dans une structure d’hébergement d’urgence, rue Prosper-Mérimée à Grenoble.

Les familles, elles, ont été, soit relogées à l’hôtel, soit dans des appartements prêtés par les associations ou encore dans une autre structure d’hébergement d’urgence de la rue Pascal, toujours à Grenoble.

Devant l’anarchie et l’insécurité du site, « il était devenu nécessaire de faire rentrer ce public dans le droit commun et pour cela, de fermer ce site », expliquait Olivier Noblecourt, adjoint grenoblois à l’action sociale et familiale. « On ne peut pas être complaisant devant ces situations », ajoutait-il. Et bien que chacun ait reconnu l’efficacité de la préfecture dans cette opération, ils ont également fustigé la lenteur des prises de décision de celle-ci quant au plan hivernal : « Nous avons encore près de 300 personnes à la rue, s’indignait Daniel Hugon du Secours catholique ». Et Françoise Bouchot, de la même association, de prendre le relais : « Les bénévoles sont débordés. Récemment, ils nous ont confié avoir laissé à la rue une famille avec un bébé de 3 semaines ! Nous appelons la préfecture à décréter le plan d’urgence de niveau 2. C’est intolérable ; franchement, on n’y comprend rien ».

par la rédaction du DL le 02/12/2010 à 05:00