Fermeture des centres d’hébergements d’urgence : où en est-on à la veille de la marche contre les expulsions ?

Patate chaudeLundi 24 juin, la police est venue (en civil…) pour essayer d’emmener une femme hébergée dans le centre de la rue Jules Vallès. Celle-ci s’est enfermée dans sa chambre et a refusé de leur ouvrir la porte, la police n’ayant pas le droit de pénétrer dans ce lieu, qui constitue son domicile, sans mandat. Les policiers lui ont alors dit que le directeur de l’association gestionnaire, la Relève, allait venir ouvrir la porte. Mais celui-ci, qui avait subi de multiples pressions associatives et militantes, a refusé d’obtempérer. Pour la première fois, il s’est ainsi opposé à des commandements illégaux de la police ou de la préfecture. Après de longues minutes de bluff et de pressions psychologiques restées vaines, les policiers ont donc dû rebrousser chemin et rentrer bredouilles…

Mercredi 26 au matin, le préfet a invité les acteurs institutionnels, les associations gestionnaires, le collectif Alerte 38 et les organisations de la CISEM à une réunion sur l’hébergement d’urgence le lendemain, jeudi 27.

Le soir, de nombreux-ses migrant-e-s roumain-e-s, serbes, macédonien-ne-s, congolais-es, arménien-ne-s, etc. actuellement menacé-e-s de se faire expulser des centres d’hébergement d’urgence sont venu-e-s au pique-nique solidaire annuel organisé par les organisations de soutien aux migrants, qui avait lieu sur la place de la préfecture à Grenoble. Prenant la parole tout à tour dans leurs langues et en français, ils ont proposé de faire une marche collective vendredi 28 juin à 16h.

Le lendemain, lors de la réunion en préfecture, le préfet a annoncé que grâce à la mobilisation de l’État (sic!), des collectivités locales et des associations, une rallonge budgétaire de 1,7 milions d’euros avaient été débloquée, qui permettrait de ne pas mettre tout le monde à la rue. Mais dans le même temps, il annonçait aussi que de nombreuses reconduites à la frontière allaient avoir lieu.

Dans la foulée, il refusait le droit de manifester le lendemain après-midi aux migrant-e-s concerné-e-s, prétextant qu’il n’avait pas assez de « personnel » (comprenez de flics) disponibles pour assurer la sécurité de la manifestation à cause de la manif anti-Guetta. Réunis dans l’après-midi pour organiser leur marche, les hébergés ont décidé de reporter cette manifestation au vendredi suivant, pour avoir le temps de la préparer.

Le mardi 2 juillet, le réseau Alerte (constitué d’une soixantaine d’associations plus ou moins institutionnelles comme le Secours Catholique, Médecin du Monde mais aussi la Relève…) organisait une journée autour de l’accès effectif aux droits (logement, santé, travail, vie sociale, éducation), au cours de laquelle ont eu lieu, entre autres, des discussions autour des pratiques préfectorales, et des informations sur le droit au maintien dans les lieux des hébergé-e-s.

Mais pendant ce temps, les pressions sur les personnes hébergées ont repris, ou plutôt continué, de manière disparate. Ce que nous savons :

  • Le 1er juillet, le directeur de la Relève, Alain Bila, a fait pression sur une famille pour qu’elle quitte le centre de Jules Vallès ;
  • La police passe dans certains centres, cherchant des personnes ou distribuant des OQTF ;
  • Au centre de l’Isle d’Abeau, où une dizaine de familles étaient restées, les pressions ont repris de plus belle, si bien qu’elles le quittent petit à petit. Le directeur, Pascal Caluori, a même essayé de mettre dehors des gens malades par de basses manœuvres…
  • Des personnes sont déplacées : certaines ont dû quitter un centre d’hébergement pour être « relogées » sur le terrain derrière Alpexpo, où des demandeur-euses d’asile vivent sous tente depuis quelques semaines – et certaines ont fait le trajet inverse…
  • Il semblerait par ailleurs que les assistantes sociales aient reçu la consigne d’encourager les hébergé-e-s à quitter les centres, et de ne plus s’occuper d’eux !

Guide FNARS – étrangers et interventions policières

 

Marchons contre toutes les expulsions !

Pique-nique solidaire 2013petitDe plus en plus de gens connaissent des problèmes de logement : loyers exorbitants, listes d’attente infinies pour les logements sociaux, appartements insalubres… Les personnes n’ayant pas les ressources suffisantes pour accéder à un logement sont durement touchées du fait de la saturation, depuis des années, des hébergements. Sur l’année 2012, 98% des demandes d’hébergement d’urgence formulées auprès du 115 de l’Isère (numéro d’urgence sociale), par des personnes sans toit, ont reçu une réponse négative.

L’annonce faite le 21 janvier par M. Ayrault, à l’issue du Comité Interministériel de Lutte contre les Exclusions, de créer « 9000 places de plus dans l’hébergement classique d’urgence mais aussi dans l’accueil des demandeurs d’asile » semblait donc la moindre des choses. Il s’agissait aussi de mettre fin à la « politique du thermomètre », politique illégale de l’État consistant à remettre les gens à la rue avec l’arrivée des beaux jours, malgré l’existence d’une loi l’interdisant (la loi de continuité de l’hébergement). Sur l’Isère, ces annonces se sont traduites par la pérennisation d’environ 600 places d’hébergement d’urgence ouvertes durant l’hiver.

Mais le 12 juin, la préfecture annonce l’arrêt brutal du dispositif d’urgence pour des raisons budgétaires, menaçant au moins 600 personnes d’être remises à la rue. Alors même que cette décision s’oppose à plusieurs lois protégeant les hébergés (loi de continuité, loi protégeant le domicile, existence de contrats d’hébergement), certains directeurs d’associations n’hésitent pas à exercer sur eux des pressions morales afin de leur faire quitter les structures. La préfecture distribue de nombreuses OQTF (obligations de quitter le territoire français) et envoie ses policiers dans les centres, afin d’en faire partir les migrants, poursuivant ainsi une politique d’expulsion du territoire à la fois inhumaine et inefficace.

A l’Isle d’Abeau, la plus grande partie des 60 personnes hébergées quitte l’hébergement sous la pression. A Grenoble, plusieurs personnes et familles hébergées dans des appartements ou des résidences partent aussi par peur. Mais des hébergés, en lien avec des collectifs et associations les soutenant, essaient de rester, ne sachant de toute façon où aller. Grâce aux démarches combinées de ceux-ci, d’associations, de collectifs, et de certains travailleurs sociaux écœurés de ce qu’on leur demande, la mobilisation sur l’agglomération contraint l’État à revoir ses plans et le préfet annonce le 27 juin aux associations une rallonge de 1,7 millions d’euros pour l’Isère. La somme est insuffisante pour garder l’ensemble des places. Les pressions continuent donc et les hébergés sont toujours dans l’incertitude de ce qui va leur arriver. Où iront toutes les personnes rejetées à nouveau dans la rue ? Dans les tentes que la Métro (communauté de communes) a commencé sans honte à installer sur différents sites ?

L’État prétend ne pas avoir assez de moyens pour protéger les pauvres et les migrants : assez !

La « crise » n’est pas la cause, mais l’alibi d’une politique raciste et inégalitaire. L’État se désengage de sa responsabilité de protéger les individus par rapport aux risques sociaux (maladie, chômage, pauvreté…) et traque les étrangers, rendus responsables de tous les maux. Ceux-ci vivent pourtant déjà des situations angoissantes et incertaines dans toutes les démarches qu’ils ont à faire, à commencer par la demande d’asile.

Mais s’ils étaient régularisés, les étrangers entreraient dans le droit commun et auraient accès à d’autres solutions que les hébergements d’urgence, y compris par le travail et l’accès au logement.

Ne soyons pas dupes des discours racistes et populistes qui cachent les vrais problèmes sociaux et économiques. Nous avons tous et toutes à gagner à être solidaires !

Contre le « tri humain » que pratiquent sans honte les institutions,
Contre les expulsions de logements et du territoire,
Pour une organisation sociale qui tienne compte des besoins des personnes, d’où qu’elles viennent,

RENDEZ-VOUS VENDREDI 5 JUILLET 2013 14H Félix Poulat
(arrêt de tram : Victor Hugo), pour marcher ensuite jusqu’à la préfecture.

Des hommes et des femmes en hébergement d’urgence qui s’inquiètent de se retrouver à la rue et les personnes, collectifs et associations qui les soutiennent.

« Il paraît que la crise rend les riches plus riches et les pauvres plus pauvres. Je ne vois pas en quoi c’est une crise. Depuis que je suis petit, c’est comme ça. » Coluche (1944-1986)
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